L’État français a mis en place le dispositif « Ma santé 2022 » visant à renforcer le virage numérique du système de santé. Grâce aux progrès de l’Intelligence Artificielle, la santé rentre ainsi dans l’ère de la médecine « augmentée ». Mais ces avancées technologiques majeures sont contraintes par les lois relatives à l’usage de nos données personnelles. En effet, la modélisation proposée par une Intelligence Artificielle repose immanquablement sur de vastes jeux de données que les Data Scientists peuvent utiliser librement ou pas lors de leur conception.
Comment exploiter alors pleinement ce potentiel d’amélioration de la médecine et des systèmes de santé sans pour autant se heurter aux contraintes réglementaires d’utilisation des données nécessaires ?
Pour le plus grand bénéfice de ses usagers, le monde de la santé devra résoudre rapidement ce paradoxe tout en respectant, de plus, les contraintes éthiques, juridiques et politiques auxquelles elles sont habituellement confrontées.
Admis dans l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés et ma conduite ne servira pas à corrompre les mœurs.
Extrait du serment d’Hippocrate
De plus en plus de Systèmes d’IA au service de la santé
Depuis déjà quelques années le secteur de la santé est devenu un terreau fertile pour les systèmes d’IA. Faisons une rapide synthèse des usages de l’IA dans le domaine de la santé.
La télémédecine
Malgré l’apparition de déserts médicaux dans les milieux ruraux, le secteur de la santé tend vers une médecine personnalisée et proche de ses patients. L’utilisation d’IA dans ces zones et en appui des systèmes de télémédecine accroit les possibilités de lutter contre le manque ou l’absence de moyens.
Nous observons, depuis quelques années, l’essor de la télémédecine, pour des patients sans pathologie spécifique, mais aussi pour des cas plus graves comme des patients atteints de maladies psychiatriques, pouvant notamment bénéficier d’assistance virtuelle améliorant leur suivi et leur prise en charge en cas de rechute éventuelle.
L’accueil des patients
Dans le contexte hospitalier, l’intégration de l’intelligence artificielle fluidifie et personnalise la prise en charge des patients.
L’usage croissant des « chatbots » en salle d’attente permet, dès l’entrée des patients, de les désengorger en orientant les patients vers le bon guichet. Le « chatbot » transmet alors directement aux secrétaires médicales du service concerné le dossier numérique de chaque patient entrant dans la salle.
Au service d’anesthésie obstétrique de l’hôpital américain de Paris, la société BOTdesign (start-up toulousaine) a mis en place une messagerie cryptée et robotisée pour préparer l’entrée des femmes enceinte pour leur accouchement. L’interface numérique collecte les informations, les organise et réalise une synthèse transmise aux personnels soignants pour faciliter la prise en charge.
L’aide au diagnostic médical
L’intelligence artificielle a également un potentiel important dans le diagnostic de maladies. Ses usages sont nombreux dans ce cadre. On peut citer par exemple, la solution MammoScreen de la société française THERAPIXEL qui a élaboré un logiciel présent dans plus de 14 hôpitaux français et qui facilite, lors de la réalisation de mammographies numériques, l’identification de tissus suspects, et permet de prédire, avec une fiabilité supérieure à celle des meilleurs spécialistes, si les tissus analysés sont susceptibles d’être cancéreux.
Les nouveaux médicaments
Enfin, les solutions d’IA interviennent également dans la conception de médicaments. Des logiciels comme MabSilico sont utilisés pour la sélection, la caractérisation et l’optimisation des fragments d’anticorps ciblant des protéines d’intérêt. Cette technologie donne accès à la digitalisation de la découverte d’anticorps, plus rapide et de surcroît plus sécurisée. En effet, avec les moyens actuels, les essais pour l’identification d’anticorps peuvent prendre jusqu’à 3 ans avec un taux d’échec de 95 %, la solution IA de MAbSilico réduit les délais à seulement 5 jours. Là encore l’IA permet aux industriels de la santé un gain substantiel de temps, mais aussi une diminution du coût financier.
De nombreuses autres start up spécialisées en IA s’intéressent au développement de médicaments. Récemment, Pfizer a officialisé sa collaboration avec la start-up française Iktos spécialisée dans le développement de solutions d’IA pour la recherche en chimie médicinale.
Comment résoudre le paradoxe « Amélioration de la médecine grâce à l’IA » vs « Respecter la confidentialité des données de santé ? »
Dans une société où l’IA ne cesse de conquérir le secteur de la santé comment pouvons-nous donc assurer la protection des données médicales tout en les utilisant dans l’apprentissage des systèmes d’IA ?
L’IA en santé : un bras de fer législatif
En France, la santé est, comme nous l’avons vu, un des secteurs prioritaires du développement de l’IA.
Le développement de ces nouveaux systèmes d’IA implique l’utilisation d’un nombre important de jeux de données médicales nécessaires lors de la phase d’apprentissage des machines (Machine Learning). C’est cette étape qui permet par la suite à l’IA de proposer des décisions de manière autonome.
Cependant, aux yeux du grand public l’utilisation de données médicales est actuellement un sujet critique. La principale crainte est l’emploi à mauvais escient et sans validation de nos informations de santé.
Si nous voulons continuer dans cette dynamique d’intégration de l’IA, l’État et les développeurs doivent garantir que les questions de sécurité, de déontologie et d’éthique sont considérées dès la conception des outils.
Au niveau européen, la convention N°108 du 28 janvier 1981 indique que toutes les données personnelles relatives à la santé « ne peuvent être traitées automatiquement à moins que le droit interne ne prévoie des garanties appropriées ».
Au niveau national, ce type d’information bénéficie d’un haut niveau de protection, grâce, notamment, à la protection de la vie privée (code civil), du secret professionnel et de la législation en vigueur.
Cependant, depuis 2016, selon le RGPD, le traitement des données personnelles de santé peut bénéficier d’une exception à cette interdiction si ce traitement justifie de l’existence d’un intérêt public. Il est jugé d’intérêt public si :
- Il vise à protéger les citoyens de menaces transfrontalières graves, ou dans le but d’offrir des normes élevées de qualité et de sécurité des soins de santé
- Il a pour but la gestion des services et systèmes de soins
- Il y a une finalité humanitaire
L’institut national des données de santé en lien avec le comité d’expertise pour les Recherches, les Études et les Évaluations dans le domaine de la santé (CEREES) sont chargés, depuis 2017, d’examiner les dossiers afin de fournir un avis à la CNIL.
Pour conclure, même si elles demeurent rigides, depuis 2017 en France et en Europe, les lois évoluent et facilitent davantage l’accès aux données de santé pour le développement de projets à visée non-commerciale.
Quand l’IA protège les données médicales
En plus de l’assouplissement législatif, la recherche s’implique fortement dans la résolution du paradoxe « IA Santé / données personnelles ». C’est le cas de l’équipe de recherche des Dr D.Rueckert et D.Kaissis qui tente de garantir la protection des données tout en utilisant au mieux le potentiel d’information de ces données.
Dans leur article de recherche « Confidentialité de bout en bout préservant le deep learning sur l’imagerie médicale multi-institutionnelle » publié le 24 mai 2021 par Nature Machine Intelligence, cette équipe pluridisciplinaire a élaboré une solution d’aide au diagnostic basée sur un système d’IA assurant la confidentialité des données. Pour développer cet algorithme, les chercheurs ont exploité le « Federated learning ».
Cette méthode d’apprentissage s’appuie sur la segmentation des bases de données. Ainsi les algorithmes vont être entraînés de manière indépendante sur chaque échantillon, et seul le résultat de chaque phase d’apprentissage est utilisé pour la solution globale.
De plus, afin d’éviter le traçage des données par l’analyse des résultats, ces algorithmes sont cryptés avant d’être compilés dans la solution globale.
Cette méthode offre donc une protection efficace des bases de données de chaque établissement tout en permettant la combinaison des analyses de l’ensemble des participants de l’étude.
Afin d’éviter l’identification des institutions où un des algorithmes a été entraîné, l’équipe de chercheurs a également crypté l’ensemble des combinaisons d’algorithmes utilisées. Puis elles n’ont été décryptées qu’au moment où toutes les institutions participantes avaient entraîné leurs modèles.
Le « federated learning » devient alors une solution qui permettrait de surmonter les obstacles éthiques, juridiques et politiques qui se posent lorsque nous souhaitons mettre en place des systèmes IA dans le domaine de la santé.
A partir du moment où les technologies d’Intelligence Artificielle semblent disposer de leur propre serment d’Hippocrate 2.0. grâce au « federated learning », le paradoxe serait-il donc en partie résolu ou en voie de l’être ?
Gageons que devant la criticité de l’enjeu de santé publique qui s’annonce pour les prochaines années, le potentiel de l’IA et des systèmes de protection des données tel que le federated learning sauront convaincre les autorités et l’opinion publiques, les laboratoires de recherche et les entreprises privées de poursuivre leur effort et leur contribution à la résolution de la problématique « Santé , IA et Protection des données » pour le plus grand bénéfice de nos sociétés et de nos concitoyens.
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